BtoC, le jour d’après : gagner la partie contre les GAFA

Guillaume Bouvier, Directeur du bureau de Lyon, Kea & Partners

Toutes les entreprises de la grande consommation et des services BtoB et BtoC ont initié leur transition digitale – enfin presque ! Aujourd’hui deux thèses s’affrontent :

  Après la phase de rattrapage, un ajustement continu reste nécessaire
La captation de valeur par les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) et les nouveaux acteurs va s’accélérer et les changements de business modèles sont plus que jamais à l’ordre du jour

 

Guillaume Bouvier, Directeur de Kea Rhônes-Alpes, a souhaité dresser le bilan de la phase de rattrapage et dessiner la stratégie pour demain à travers le parcours exemplaire et très concret de FEU VERT et de TOUPARGEL, menés respectivement par Bernard Perreau et Jacques-Edouard Charret.

En introduction, Didier Long, co-fondateur de Kea-Euclyd, la toute nouvelle joint-venture alliant les savoir-faire des consultants en stratégie de Kea et des digital natives d’Euclyd, a mis un coup de pied dans la fourmilière en décrivant l’avancée digitale des secteurs de la réparation automobile et de la distribution alimentaire dans le monde, particulièrement aux USA, pays en avance de phase dans le domaine. Se qualifiant d’urgentiste, plutôt que médecin de ville, il a insisté sur le fait que l’heure n’était plus à prévoir le tsunami : il est déjà là !

Guillaume Bouvier a enfoncé le clou : «  Le digital est bien plus qu’une révolution technologique » . Il change les règles du jeu. Il fait bouger les lignes sur la stratégie – comment le business model se refonde – mais il transforme aussi la culture d’entreprise, en amenant à s’interroger sur de nouveaux modes d’organisation et l’évolution des comportements.
 » Aujourd’hui, nous ne sommes pas là pour affirmer que les entreprises n’ont rien fait. Au contraire, beaucoup d’actions ont été menées. Mais ce n’est que la première partie du match, il s’agit ici de faire le bilan et de préparer le match retour. « 

La réalité des secteurs de la réparation automobile et de la distribution alimentaire a ensuite été décryptée à travers quatre clés d’entrée :
> mise en perspective des disruptions à l’œuvre
> bilan de la première phase
impact du digital sur l’organisation et les métiers
> projection dans la phase d’après.

 

La réparation automobile : face aux ruptures liées au digital, quelle est la riposte de feu vert ?

Didier Long plante le décor. Sur la scène de la réparation automobile, trois acteurs jouent l’avenir du secteur – le client, la voiture, le marché – avec une bataille en toile de fond, celle de la « data ». Car la voiture devient un objet connecté : le conducteur est alerté sur l’usure d’une pièce et immédiatement invité à se rendre chez le réparateur le plus proche de là où il se trouve. Amazon et Google s’avèrent des adversaires de taille, à travers leur connaissance des clients, de leurs comportements d’achats, de leurs déplacements et la géolocalisation des réparateurs.
La bataille du cloud est engagée entre les GAFA, gatekeepers de la mobilité, les constructeurs et les chaînes de réparation automobile. Et plus inquiétant encore, les fabricants de pièces détachées sont désormais sur Amazon qui ‘ubérise’ une partie de la chaîne de valeur en livrant en direct les petits réparateurs et garagistes dans les villes. Les entreprises traditionnelles, si elles ne réagissent pas vite à ces mouvements, vont perdre la main sur la vente, le prix, la logistique, la relation client…

 

Bernard Perreau, ex Président Directeur Général de FEU VERT, a mis ses équipes en mouvement dès 2008. À l’époque, la concurrence était incarnée par des acteurs comme NORAUTO. Mais à partir de 2009, le marché a progressivement basculé, le web et les concessionnaires automobiles ont revendiqué leur part du marché et pris d’assaut le client final par une baisse agressive des prix.
En 2008, l’ambition affichée pour le site internet de FEU VERT était de devenir le numéro 1 des points de vente. Aujourd’hui, cette vision est obsolète. Le site n’est pas un concurrent des points de vente mais un apporteur d’affaires, l’objectif de chiffres d’affaires étant de… zéro. C’est une plateforme transverse au service de l’omnicanalité : le client consulte le stock des centres auto en temps réel, il peut réserver la pièce, prendre rendez-vous et régler. Le chiffre d’affaires est crédité au centre auto et non pas au site.
Si cette vision a été vite et clairement établie, sa mise en œuvre a pris près d’un an et demi et la révolution culturelle de l’enseigne est loin d’être achevée.

 

Pour transformer l’organisation, Bernard PERREAU insiste sur le fait qu’il faut accepter de mettre les moyens financiers sur la table. L’actionnaire ne s’étant pas laissé convaincre de racheter Mister Auto (finalement acquis par Peugeot en 2010), la décision est prise de recruter une compétence externe, un digital native, qui lui-même a recruté son équipe. C’est dans un univers protégé par la direction générale qu’il a pu travailler et installer la confiance au sein de l’entreprise.
Cela a donné lieu au lancement du projet Audace (accélération digitale au service des clients et des entreprises) en 2012-2013 : des nouveaux contenus digitaux, une stratégie web to store pour le e-commerce, la digitalisation des points de vente au service du vendeur plus que du client…
En parallèle, les outils de CRM ont fortement évolué permettant des campagnes de mails et SMS personnalisées sur la révision, le contrôle technique, les pneus hiver… Cela est rendu possible par une base de données qui croise les informations issues du web et des points de vente.

 

Pour l’avenir, ce que Kea nomme la phase 2, Bernard Perreau décrit ainsi les challenges que devra relever FEU VERT : Réussir une expérience client unifiée et cohérente ; l’avant-vente sur le web, le vécu de la vente en centre auto, le post-vente :

  • Travailler la mobilité, l’après-vente hors les murs qui demande aux techniciens de se rendre au domicile ou dans l’entreprise du client pour effectuer une réparation

  • Apprendre à s’adapter et se mettre à jour en permanence, pour mettre à niveau les contenus et les plateformes

  • Enrichir la « data » pour toujours plus d’information pertinente sur le client et sa voiture : le plan de vie du conducteur et le carnet de santé de son véhicule

  • Ne pas rater l’opportunité des boitiers automobiles connectés

  • Se doter de dispositifs CRM de plus en plus personnalisés

  • Faire évoluer le modèle de l’expérience digitale / physique avec les KPI’s permettant d’inventer le meilleur des deux mondes

  • Travailler en collaboration avec les concurrents traditionnels : des bases de données communes, des boitiers automobiles communs… pour ne pas se faire voler la valeur par les GAFA ou les constructeurs

  • Prendre les devants face aux dangers de la désintermédiation

La distribution alimentaire : comment toupargel, acteur traditionnel de la vente directe, tire bénéfice du digital ?

Pour ce secteur, Didier Long a aussi joué les empêcheurs de tourner en rond. La nourriture se transforme en service !
Dans ce secteur à croissance plate, la « data » devient le maître sur toute la filière, de la fourche à la fourchette : du capteur installé sur la vigne pour surveiller sa croissance jusqu’à la richesse d’informations sur les habitudes de consommation dans Google. Entre l’amont et l’aval opère le machine learning, soit la machine de guerre de la data, qui auto-apprend et va accélérer par exemple l’ubérisation du dernier km, la dernière longueur pour atteindre le consommateur final à un coût rentable. Si tous les grands de la distribution alimentaire se sont mis au drive, la rentabilité n’est pas vraiment au rendez-vous et ne constitue qu’une étape.
Grâce à l’intelligence artificielle, le cycle préparer-livrer se raccourcit énormément. Des brèches s’ouvrent dans lesquelles s’engouffrent des acteurs comme Amazon Fresh ou encore Ocado le supermarché online britannique, un exemple en la matière.

 

Jacques-Édouard Charret, Directeur Général Délégué de TOUPARGEL, n’a pas attendu que le tsunami submerge l’entreprise de vente directe née après-guerre. TOUPARGEL n’a jamais eu de réseau de magasins.
Son actif clé est la maîtrise totale de la livraison à domicile de 50 000 clients, grâce à 32 centres d’appels, 3 plateformes en France, 112 agences de livraison et 800 camions en propre. Le point noir est que les clients ont 64 ans de moyenne d’âge, la plupart n’ont pas d’adresse mail et que, par la force des choses, le nombre de clients est à la baisse. L’urgence est donc la conquête de nouveaux clients et le web est un levier d’action majeur. Au-delà du développement de son e-commerce rentable, TOUPARGEL a pris le parti de mettre la totalité de ses références en ligne sur Amazon, notamment pour développer son image, accéder au marché parisien et apprendre en interne sur le model marketplace. Le contrôle de la livraison, et donc du contact client final, reste en revanche à la main de Toupargel.

La marque poursuit son travail de réduction des délais de livraison. Elle est en capacité de livrer à J+2 partout en France et à J+1 sur une partie du territoire. L’objectif de plage horaire d’une heure est aussi à l’agenda. Essentiel face à la montée en puissance d’acteur comme Chronofresh.

Le digital est partout et ne concerne évidemment pas que la logistique ; il bouscule les process et façons de travailler. Le départ d’un talentueux directeur du e-commerce a été l’occasion de recruter Jérôme Dalidet, ex Auchan.fr, et d’insuffler un esprit start-up dans l’entreprise. L’internalisation, on l’a compris, fait partie de l’ADN de TOUPARGEL. Le digital a également offert un levier de développement de l’activité BtoB, avec aujourd’hui l’approvisionnement des magasins La Vie Claire ou encore de 47 crèches lyonnaises.
Enfin les outils de CRM/Data offrent de puissantes opportunités de personnaliser encore plus la relation des télévendeurs avec les clients et renforcer la proximité en leur fournissant, par exemple, les moyens de faire des recommandations nutritionnelles adaptées. Le digital permet aussi de s’appuyer sur l’énergie collective : en 72 heures, les 3 600 collaborateurs ont pu donner leurs idées d’innovation sur une plateforme collaborative ; des idées sélectionnées et mises en œuvre au fil du temps.

 

Pour l’avenir – la phase 2 –, Jacques-Édouard Charret évoque d’abord la prestation de service pour le compte de tiers. La force logistique de TOUPARGEL est telle qu’elle pourrait être exploitée à plein en la mettant au service d’autres acteurs.

La question est surtout : qu’est-on capable de mieux faire grâce au digital ? Plusieurs réponses existent :

  • Un meilleur scoring des prospects pour un meilleur ROI des acquisitions client

  • La captation d’indices sur les clients en passe d’abandonner la marque

  • La mesure du potentiel d’achat d’un client pour augmenter le panier moyen

  • La crosscanalité pour que le client puisse trouver de l’information ou passer commande par tous les moyens : smart phone, PC, téléphone

  • Une meilleure stratégie de contenus pour un référencement naturel optimisé et créer la préférence client

  • La mise en place de chatbox, ces robots « inteligents » qui conversent avec les clients, à l’exemple de qu’a mis en place Leroy Merlin, pour faciliter l’acte d’achat

 

Et Guillaume Bouvier de conclure…

« La priorité est de bien finaliser le rattrapage stratégique initié ». Cela implique de :
> Aller au bout des choix sur le business modèle
> Ajuster la « route to market  » (distribution et communication)
> Réaliser les « justes investissements » sur la supply chain des contenus et la roadmap IT Digital

 

Une fois les acquis de la phase 1 consolidés, ce qui fera la différence pour réussir la phase 2, sera de :

> Être clair sur la raison d’être de l’entreprise : elle quille le bateau pour tenir le cap dans un monde digital changeant
> Organiser l’entreprise comme un hub : casser les silos, connecter tous les métiers en interne comme en externe (nouvelles formes d’alliances et de partenariats)
> Maîtriser la data, le puits de pétrole qui va créer les actifs de demain
> Passer d’un modèle d’autorité à un modèle de subsidiarité pour rendre l’entreprise transformative, adaptative

 

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Guillaume Bouvier, Directeur du bureau de Lyon, Kea & Partners

 

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Toutes les entreprises de la grande consommation et des services BtoB et BtoC ont initié leur transition digitale – enfin presque ! Aujourd’hui deux thèses s’affrontent :

  Après la phase de rattrapage, un ajustement continu reste nécessaire
La captation de valeur par les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) et les nouveaux acteurs va s’accélérer et les changements de business modèles sont plus que jamais à l’ordre du jour

 

Guillaume Bouvier, Directeur de Kea Rhônes-Alpes, a souhaité dresser le bilan de la phase de rattrapage et dessiner la stratégie pour demain à travers le parcours exemplaire et très concret de FEU VERT et de TOUPARGEL, menés respectivement par Bernard Perreau et Jacques-Edouard Charret.

En introduction, Didier Long, co-fondateur de Kea-Euclyd, la toute nouvelle joint-venture alliant les savoir-faire des consultants en stratégie de Kea et des digital natives d’Euclyd, a mis un coup de pied dans la fourmilière en décrivant l’avancée digitale des secteurs de la réparation automobile et de la distribution alimentaire dans le monde, particulièrement aux USA, pays en avance de phase dans le domaine. Se qualifiant d’urgentiste, plutôt que médecin de ville, il a insisté sur le fait que l’heure n’était plus à prévoir le tsunami : il est déjà là !

Guillaume Bouvier a enfoncé le clou : «  Le digital est bien plus qu’une révolution technologique » . Il change les règles du jeu. Il fait bouger les lignes sur la stratégie – comment le business model se refonde – mais il transforme aussi la culture d’entreprise, en amenant à s’interroger sur de nouveaux modes d’organisation et l’évolution des comportements.
 » Aujourd’hui, nous ne sommes pas là pour affirmer que les entreprises n’ont rien fait. Au contraire, beaucoup d’actions ont été menées. Mais ce n’est que la première partie du match, il s’agit ici de faire le bilan et de préparer le match retour. « 

La réalité des secteurs de la réparation automobile et de la distribution alimentaire a ensuite été décryptée à travers quatre clés d’entrée :
> mise en perspective des disruptions à l’œuvre
> bilan de la première phase
impact du digital sur l’organisation et les métiers
> projection dans la phase d’après.

 

La réparation automobile : face aux ruptures liées au digital, quelle est la riposte de feu vert ?

Didier Long plante le décor. Sur la scène de la réparation automobile, trois acteurs jouent l’avenir du secteur – le client, la voiture, le marché – avec une bataille en toile de fond, celle de la « data ». Car la voiture devient un objet connecté : le conducteur est alerté sur l’usure d’une pièce et immédiatement invité à se rendre chez le réparateur le plus proche de là où il se trouve. Amazon et Google s’avèrent des adversaires de taille, à travers leur connaissance des clients, de leurs comportements d’achats, de leurs déplacements et la géolocalisation des réparateurs.
La bataille du cloud est engagée entre les GAFA, gatekeepers de la mobilité, les constructeurs et les chaînes de réparation automobile. Et plus inquiétant encore, les fabricants de pièces détachées sont désormais sur Amazon qui ‘ubérise’ une partie de la chaîne de valeur en livrant en direct les petits réparateurs et garagistes dans les villes. Les entreprises traditionnelles, si elles ne réagissent pas vite à ces mouvements, vont perdre la main sur la vente, le prix, la logistique, la relation client…

 

Bernard Perreau, ex Président Directeur Général de FEU VERT, a mis ses équipes en mouvement dès 2008. À l’époque, la concurrence était incarnée par des acteurs comme NORAUTO. Mais à partir de 2009, le marché a progressivement basculé, le web et les concessionnaires automobiles ont revendiqué leur part du marché et pris d’assaut le client final par une baisse agressive des prix.
En 2008, l’ambition affichée pour le site internet de FEU VERT était de devenir le numéro 1 des points de vente. Aujourd’hui, cette vision est obsolète. Le site n’est pas un concurrent des points de vente mais un apporteur d’affaires, l’objectif de chiffres d’affaires étant de… zéro. C’est une plateforme transverse au service de l’omnicanalité : le client consulte le stock des centres auto en temps réel, il peut réserver la pièce, prendre rendez-vous et régler. Le chiffre d’affaires est crédité au centre auto et non pas au site.
Si cette vision a été vite et clairement établie, sa mise en œuvre a pris près d’un an et demi et la révolution culturelle de l’enseigne est loin d’être achevée.

 

Pour transformer l’organisation, Bernard PERREAU insiste sur le fait qu’il faut accepter de mettre les moyens financiers sur la table. L’actionnaire ne s’étant pas laissé convaincre de racheter Mister Auto (finalement acquis par Peugeot en 2010), la décision est prise de recruter une compétence externe, un digital native, qui lui-même a recruté son équipe. C’est dans un univers protégé par la direction générale qu’il a pu travailler et installer la confiance au sein de l’entreprise.
Cela a donné lieu au lancement du projet Audace (accélération digitale au service des clients et des entreprises) en 2012-2013 : des nouveaux contenus digitaux, une stratégie web to store pour le e-commerce, la digitalisation des points de vente au service du vendeur plus que du client…
En parallèle, les outils de CRM ont fortement évolué permettant des campagnes de mails et SMS personnalisées sur la révision, le contrôle technique, les pneus hiver… Cela est rendu possible par une base de données qui croise les informations issues du web et des points de vente.

 

Pour l’avenir, ce que Kea nomme la phase 2, Bernard Perreau décrit ainsi les challenges que devra relever FEU VERT : Réussir une expérience client unifiée et cohérente ; l’avant-vente sur le web, le vécu de la vente en centre auto, le post-vente :

  • Travailler la mobilité, l’après-vente hors les murs qui demande aux techniciens de se rendre au domicile ou dans l’entreprise du client pour effectuer une réparation

  • Apprendre à s’adapter et se mettre à jour en permanence, pour mettre à niveau les contenus et les plateformes

  • Enrichir la « data » pour toujours plus d’information pertinente sur le client et sa voiture : le plan de vie du conducteur et le carnet de santé de son véhicule

  • Ne pas rater l’opportunité des boitiers automobiles connectés

  • Se doter de dispositifs CRM de plus en plus personnalisés

  • Faire évoluer le modèle de l’expérience digitale / physique avec les KPI’s permettant d’inventer le meilleur des deux mondes

  • Travailler en collaboration avec les concurrents traditionnels : des bases de données communes, des boitiers automobiles communs… pour ne pas se faire voler la valeur par les GAFA ou les constructeurs

  • Prendre les devants face aux dangers de la désintermédiation

La distribution alimentaire : comment toupargel, acteur traditionnel de la vente directe, tire bénéfice du digital ?

Pour ce secteur, Didier Long a aussi joué les empêcheurs de tourner en rond. La nourriture se transforme en service !
Dans ce secteur à croissance plate, la « data » devient le maître sur toute la filière, de la fourche à la fourchette : du capteur installé sur la vigne pour surveiller sa croissance jusqu’à la richesse d’informations sur les habitudes de consommation dans Google. Entre l’amont et l’aval opère le machine learning, soit la machine de guerre de la data, qui auto-apprend et va accélérer par exemple l’ubérisation du dernier km, la dernière longueur pour atteindre le consommateur final à un coût rentable. Si tous les grands de la distribution alimentaire se sont mis au drive, la rentabilité n’est pas vraiment au rendez-vous et ne constitue qu’une étape.
Grâce à l’intelligence artificielle, le cycle préparer-livrer se raccourcit énormément. Des brèches s’ouvrent dans lesquelles s’engouffrent des acteurs comme Amazon Fresh ou encore Ocado le supermarché online britannique, un exemple en la matière.

 

Jacques-Édouard Charret, Directeur Général Délégué de TOUPARGEL, n’a pas attendu que le tsunami submerge l’entreprise de vente directe née après-guerre. TOUPARGEL n’a jamais eu de réseau de magasins.
Son actif clé est la maîtrise totale de la livraison à domicile de 50 000 clients, grâce à 32 centres d’appels, 3 plateformes en France, 112 agences de livraison et 800 camions en propre. Le point noir est que les clients ont 64 ans de moyenne d’âge, la plupart n’ont pas d’adresse mail et que, par la force des choses, le nombre de clients est à la baisse. L’urgence est donc la conquête de nouveaux clients et le web est un levier d’action majeur. Au-delà du développement de son e-commerce rentable, TOUPARGEL a pris le parti de mettre la totalité de ses références en ligne sur Amazon, notamment pour développer son image, accéder au marché parisien et apprendre en interne sur le model marketplace. Le contrôle de la livraison, et donc du contact client final, reste en revanche à la main de Toupargel.

La marque poursuit son travail de réduction des délais de livraison. Elle est en capacité de livrer à J+2 partout en France et à J+1 sur une partie du territoire. L’objectif de plage horaire d’une heure est aussi à l’agenda. Essentiel face à la montée en puissance d’acteur comme Chronofresh.

Le digital est partout et ne concerne évidemment pas que la logistique ; il bouscule les process et façons de travailler. Le départ d’un talentueux directeur du e-commerce a été l’occasion de recruter Jérôme Dalidet, ex Auchan.fr, et d’insuffler un esprit start-up dans l’entreprise. L’internalisation, on l’a compris, fait partie de l’ADN de TOUPARGEL. Le digital a également offert un levier de développement de l’activité BtoB, avec aujourd’hui l’approvisionnement des magasins La Vie Claire ou encore de 47 crèches lyonnaises.
Enfin les outils de CRM/Data offrent de puissantes opportunités de personnaliser encore plus la relation des télévendeurs avec les clients et renforcer la proximité en leur fournissant, par exemple, les moyens de faire des recommandations nutritionnelles adaptées. Le digital permet aussi de s’appuyer sur l’énergie collective : en 72 heures, les 3 600 collaborateurs ont pu donner leurs idées d’innovation sur une plateforme collaborative ; des idées sélectionnées et mises en œuvre au fil du temps.

 

Pour l’avenir – la phase 2 –, Jacques-Édouard Charret évoque d’abord la prestation de service pour le compte de tiers. La force logistique de TOUPARGEL est telle qu’elle pourrait être exploitée à plein en la mettant au service d’autres acteurs.

La question est surtout : qu’est-on capable de mieux faire grâce au digital ? Plusieurs réponses existent :

  • Un meilleur scoring des prospects pour un meilleur ROI des acquisitions client

  • La captation d’indices sur les clients en passe d’abandonner la marque

  • La mesure du potentiel d’achat d’un client pour augmenter le panier moyen

  • La crosscanalité pour que le client puisse trouver de l’information ou passer commande par tous les moyens : smart phone, PC, téléphone

  • Une meilleure stratégie de contenus pour un référencement naturel optimisé et créer la préférence client

  • La mise en place de chatbox, ces robots « inteligents » qui conversent avec les clients, à l’exemple de qu’a mis en place Leroy Merlin, pour faciliter l’acte d’achat

 

Et Guillaume Bouvier de conclure…

« La priorité est de bien finaliser le rattrapage stratégique initié ». Cela implique de :
> Aller au bout des choix sur le business modèle
> Ajuster la « route to market  » (distribution et communication)
> Réaliser les « justes investissements » sur la supply chain des contenus et la roadmap IT Digital

 

Une fois les acquis de la phase 1 consolidés, ce qui fera la différence pour réussir la phase 2, sera de :

> Être clair sur la raison d’être de l’entreprise : elle quille le bateau pour tenir le cap dans un monde digital changeant
> Organiser l’entreprise comme un hub : casser les silos, connecter tous les métiers en interne comme en externe (nouvelles formes d’alliances et de partenariats)
> Maîtriser la data, le puits de pétrole qui va créer les actifs de demain
> Passer d’un modèle d’autorité à un modèle de subsidiarité pour rendre l’entreprise transformative, adaptative

 

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