Alibaba ou la révolution de la confiance

Bertrand Dimont, Directeur chez Kea & Partners

La troisième séquence du cycle de réflexion « entreprise responsable, est-ce possible ? », lancé par Entreprise & Progrès que Kea coparraine, a fait intervenir Sébastien Badault, le directeur général d’Alibaba France.

Il y a exprimé sa vision : la confiance est au cœur du succès et du fonctionnement d’Alibaba et plus généralement des plateformes numériques.

La confiance est au cœur des échanges business et personnels, que ce soit en Chine ou en Occident, mais il existe des manières différentes de créer de la confiance, en fonction des cultures. L’idéogramme chinois pour écrire le terme « Confiance » est la combinaison de « Homme » et de « Parole ». – il sous-tend ainsi que la confiance est un engagement fort en tant qu’Homme. Pour autant, alors qu’en Occident la confiance se développe d’abord en passant du temps ensemble, en Chine, la confiance se crée autour d’un intérêt commun et partagé.

Au cœur d’une success-story

Alibaba est aujourd’hui le plus gros « retailer » au monde, devant Wal Mart et Amazon [1], avec un marché gigantesque :  son site a 700 millions de visiteurs et concentre 17% à 18% des échanges via le e-commerce.

Son modèle de « marketplace » repose sur la confiance que génère la plateforme pour les différents utilisateurs – les marques, les consommateurs ou les partenaires – en s’appuyant sur la technologie. A la différence d’Amazon, Alibaba ne se positionne pas en « retailer », son activité historique étant d’abord en b to b. Sa proposition de valeur est de permettre aux marques d’augmenter leur surface de contact avec les consommateurs tout en gardant la main sur leur relation avec eux. Les marques s’appuient sur le savoir-faire technologique d’Alibaba qui les guide dans leur relation client et leur donne accès, de manière transparente, à toutes les données et insights, avec la certitude que « c’est en partageant la data avec les marques que les consommateurs auront la meilleure expérience ».

De plus, à son lancement en 1999, pour développer son activité en propre, Alibaba « a inventé la logistique de demain » pour la mettre à disposition de ses partenaires. Ainsi, le groupe a pu étendre son empreinte en Chine et contribuer à la création de valeur pour l’ensemble des parties prenantes du marché e-commerce du pays. Le développement d’Alibaba aurait ainsi créé 17 millions d’emplois indirects en Chine en n’ayant que 93 000 collaborateurs.

Un accélérateur de transformation digitale en chine

Le positionnement d’Alibaba en accélérateur de la transformation digitale du commerce de proximité a fait « bénéficier tout le monde d’une meilleure compréhension des besoins des consommateurs ». En créant le « new retail », le groupe a même l’ambition d’atteindre les 6 millions d’épiceries indépendantes chinoises. En appliquant son modèle de plateforme, il équipe ces commerces de proximité avec des technologies digitales (ERP, accès à des centres de distribution, réassort), technologies grâce qui leur apportent des analyses quotidiennes sur leur activité. Il utilise ces données pour que les marques comprennent mieux les besoins des consommateurs et vendent davantage. C’est ainsi que le groupe Mondelez a pu savoir que l’emballage de ses biscuits Oreo n’était pas adapté, et que les détaillants avaient besoin de paquets au format « poche ». A ce jour, 100 000 commerçants ont été équipés, une deuxième vague attendue dans les prochains mois devrait en équiper 1 million.

La connaissance fine des comportements des consommateurs permet de gagner la confiance des marques, grâce à la pertinence de modèles prédictifs enrichis de multiples sources. En développant une myriade de sites ou applications (paiement mobile, micro-blogging, sites de e-commerce spécialisés, plateformes musicales), Alibaba a multiplié les sources de données et apporté aux marques toujours plus de valeur et une compréhension fine des consommateurs au-delà de leurs actes d’achat. Par exemple, le groupe peut aujourd’hui établir une corrélation entre le style de musique écouté et la crème hydratante utilisée.

Pour le secteur du luxe spécifiquement, les sites de e-commerce à l’image des clients génèrent la confiance nécessaire à l’achat de tels produits, en particulier pour les marques occidentales qui souhaitent s’implanter en Chine. Il s’agit de comprendre les consommateurs chinois types des produits de luxe – qui ont 25 ans en moyenne – contre 40 à 45 ans en Occident – et construire des sites de e-commerce intégrant tous les codes de leurs univers grâce à une connaissance fine de leurs besoins. Au-delà, les consommateurs doivent être assurés de la qualité des produits utilisés, des procédés de fabrication et ne pas risquer d’acheter une contrefaçon.

Les plateformes, tiers de confiance

Au final, les plateformes se positionnent en tiers de confiance. Leur raison d’être pourrait être de créer, d’opérer et de monnayer un dispositif de transaction faisant le lien entre différents utilisateurs (clients / fournisseurs par exemple), en garantissant sa fiabilité. En s’appuyant sur les puissants « effets réseau » qu’elles produisent, les plateformes créent une dynamique de la confiance : plus la plateforme a d’utilisateurs satisfaits, plus elle a d’utilisateurs confiants. La plateforme, par ailleurs, évalue cette confiance au-travers de multiples indicateurs ou outils : le « net promoter score » (« recommanderiez-vous la plateforme à un ami ? »), les notations, la mesure des flux générés ou des délais, l’accès à des supports, la fiabilité des réponses, la possibilité de retourner des achats sans condition… Tout s’évalue et c’est cette évaluation permanente qui permet de créer les conditions de la confiance.


[1] Alibaba affiche un chiffre d’affaires 2017 de 93 milliards de dollars contre 60,3 milliards pour Amazon, son résultat d’exploitation est de 26 milliards de dollars contre 2,13 milliards chez le géant de Seattle. Le groupe emploie 93 000 collaborateurs, contre 566 000 pour Amazon.