La transformation digitale : 6 hiatus et opportunités

Brice Auckenthaler, co-fondateur de Tilt ideas

La transformation digitale est un accélérateur de transformation. Indubitablement. Toutefois, si le « pourquoi accélérer » ne fait plus débat (éviter de se faire disrupter), le « sur quoi accélérer » reste souvent un dilemme (sur les outils ? l’organisation ? les hommes ? les métiers ? les offres ? le mode de distribution ? sur tout ça en même temps ?!?…) et le « comment accélérer » une énigme.

’Seuls 37% des actifs européens ont aujourd’hui les aptitudes numériques de base alors qu’elles seront indispensables dans 90% des métiers demain…’’ déclarait Mariya Gabriel, Commissaire européenne au Numériques [Les Echos 20 février 2018]. Sans reparler du désormais vieux syndrome de ‘’fracture numérique’’, ces chiffres montrent bien l’enjeu clé de la transformation digitale en cours : la prise en compte de l’humain. Pour preuve, d’après la Harvard Business School, les contenus de marque sont partagés 24 fois plus souvent et leur portée est 561% supérieure lorsqu’ils sont relayés par les employés plutôt que diffusés par la marque. Et 2% des salariés partageant des informations relatives à l’entreprise sur les réseaux sociaux génèrent 20% de taux d’engagement vis-à-vis de la marque (source : Le blog du Communicant). D’où l’intérêt d’une part, d’encourager les salariés à devenir des ambassadeurs sur le web et, d’autre part de combiner transformation digitale et démarche d’innovation collaborative.

Certaines entreprises répondent à cette transformation digitale en créant, qui des Directions de l’Expérience Client [à l’instar de Natixis, pilotant le parcours numérique du dit client qu’il soit interne ou externe], qui un Chief Digital Officer [sorte de DSI++, repositionné Business Partner, comme chez Sanofi], qui encore des plateformes [outils communautaires sensés fluidifier et accélérer la porosité interne/externe]. Pour gagner du temps, d’autres rachètent des acteurs on-line en place [voir récemment Chanel et Farfetch, ou Monoprix et Sarenza]. Derrière ces mouvements, c’est pratiquement toujours une question de savoir-faire et de posture managériale qui se dessine. Toutefois, 6 hiatus méritent d’être évoqués.

Hiatus #1 : la transformation digitale n’est pas une fin en soi. Dans ‘transformation digitale’, le mot essentiel est ‘transformation’, pas ‘digital’, qui reste un outil au service de la transformation et de l’incarnation de la vision de l’entreprise.

Hiatus 2 : cet ‘’outil’’ n’est pas suffisamment perçu comme un actif stratégique clé : dans l’idéal, de notre point de vue, le pilote d’une véritable transformation digitale devrait non seulement siéger au comité de direction, mais également être un stratège, sorte d’hybride de super DRH et de directeur de la stratégie 4.0. Et pour que cette transformation soit intimement connectée à la stratégie et à la vision de l’entreprise, rien de tel que le management pour montrer l’exemple. 79% des Français attendent du dirigeant qu’il montre son engagement à faire progresser la société en prenant part aux conversations sur le web. Stéphane Pallez, CEO de La Française des Jeux, ou Nicolas Sekkaki, CEO d’IBM France sont des dirigeant(e)s très actifs/ves sur les réseaux sociaux, ils montrent l’exemple aux salariés sur la manière de s’exprimer.

Hiatus #3 : le défi de la transformation digitale n’est plus dans la technique, il est désormais dans les usages : outil d’aide à la décision, outil de prospective, ou encore expression d’un Manifesto qui engage votre entreprise dans ses comportements digitaux au quotidien [à l’égard des 2 ‘clients’ que sont vos collaborateurs puis vos consommateurs], le digital pointe le doigt sur les failles des expériences managériales proposées actuellement [insuffisamment d’agilité, d’anticipation ou d’engagements concrets].

Hiatus #4 : contrairement à ce qui a été beaucoup dit, la transformation digitale et ses hydres [Big Data, I.A et autres chatbots…] n’ont pas vocation à nous diminuer. Au contraire, nous tous, collaborateur, client, société de service, médecin, artiste… devrions en sortir ‘’augmentés’’. Pas au sens artificiel du terme, mais en termes d’I.E. [intelligence émotionnelle]. Nos Observatoires ‘’Expérience Client Augmenté’’ ou ‘’Brand’Gagement démontrent au travers de cas concrets et multi-sectoriels que les entreprises -qu’elles soient pure players ou phygitales- ayant appliqué cette digitalisation positive ont réussi à mieux fidéliser grâce à un fort engagement émotionnel, allant au-delà du contrat de base qu’est la satisfaction. Enfin, grâce à cette transformation par le digital, les salariés développent leur soft skills dont la curiosité, l’empathie, le sens du collectif, la capacité à formuler une idée ou à effectuer une veille.

Hiatus #5 : la transparence à tous les étages des interactions entre entreprises ou consommateurs que va déclencher la transformation digitale va amplifier la Tolérance Zéro. Autrement dit, plus nous aurons accès quasi-instantanément à des informations, plus nous serons sollicités, plus nous aurons la capacité à réagir, voire sur-réagir à ce bombardement de datas plus ou moins filtrées. Comme le dit Antoine Denoix (AXA): ‘Il n’y a pas de mauvaises données, mais une foule de mauvaises interprétations…’’. Opportunité : créer alors un poste de Facts interpretator, rémunéré pour prendre le temps et le recul essentiels avant le passage à l‘action.

Hiatus #6 : le Zéro Solo. A l’avenir, si la transformation digitale accélère tout, il sera de plus en plus complexe et coûteux d’innover seul. Exemple concret avec le projet SingularityNet -combinaison de blockchain,  d’I.A… et d’une vision libertaire du Net- sorte de place de marché ouverte aux développeurs pour favoriser le déploiement d’une intelligence artificielle généraliste. Mobiliser l’intelligence collective et mutualiser les connaissances [vous reporter à ce sujet à notre ouvrage ‘’Imagin’Nation : l’Innovation à l’ère des Réseaux Sociaux’’ (Edit Kawa) sera à l’avenir une garantie de succès des stratégies opérationnelles des entreprises… Si et seulement si une transformation culturelle adéquate est définie au préalable. Co-branding, co-construction, co-investissement… seront impératifs et justifieront la création d’un poste de Chief Partnership Officer.

L’économie numérique remet en question de nombreux business models, questionnant alors la création de valeur ajoutée. Les auteurs ne sauraient trop insister sur l’importance également de ce que nous avons appelé la ‘’chaleur ajoutée’’. La technologie est d’abord ce que les hommes en font. Si, demain, cette transformation digitale fantasmée entraîne le Zéro émotion ou le Zéro empathie, l’humain sera-t-il gagnant ? Et ne faudra-t-il pas faire évoluer l’organisation des entreprises afin en particulier de favoriser l’émergence de profils différents ? L’Observatoire Tilt ideas sur ‘’La Transformation Digitale et Impacts sur les Métiers de Demain’’ pourrait servir de point de départ à ce type de réflexion…

Source : mediapart.fr

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La transformation digitale est un accélérateur de transformation. Indubitablement. Toutefois, si le « pourquoi accélérer » ne fait plus débat (éviter de se faire disrupter), le « sur quoi accélérer » reste souvent un dilemme (sur les outils ? l’organisation ? les hommes ? les métiers ? les offres ? le mode de distribution ? sur tout ça en même temps ?!…), et le «comment accélérer» une énigme.

’Seuls 37% des actifs européens ont aujourd’hui les aptitudes numériques de base alors qu’elles seront indispensables dans 90% des métiers demain…’’ déclarait Mariya Gabriel, Commissaire européenne au Numériques [Les Echos 20 février 2018]. Sans reparler du désormais vieux syndrome de ‘’fracture numérique’’, ces chiffres montrent bien l’enjeu clé de la transformation digitale en cours : la prise en compte de l’humain. Pour preuve, d’après la Harvard Business School, les contenus de marque sont partagés 24 fois plus souvent et leur portée est 561% supérieure lorsqu’ils sont relayés par les employés plutôt que diffusés par la marque. Et 2% des salariés partageant des informations relatives à l’entreprise sur les réseaux sociaux génèrent 20% de taux d’engagement vis-à-vis de la marque (source : Le blog du Communicant). D’où l’intérêt d’une part, d’encourager les salariés à devenir des ambassadeurs sur le web et, d’autre part de combiner transformation digitale et démarche d’innovation collaborative.

Certaines entreprises répondent à cette transformation digitale en créant, qui des Directions de l’Expérience Client [à l’instar de Natixis, pilotant le parcours numérique du dit client qu’il soit interne ou externe], qui un Chief Digital Officer [sorte de DSI++, repositionné Business Partner, comme chez Sanofi], qui encore des plateformes [outils communautaires sensés fluidifier et accélérer la porosité interne/externe]. Pour gagner du temps, d’autres rachètent des acteurs on-line en place [voir récemment Chanel et Farfetch, ou Monoprix et Sarenza]. Derrière ces mouvements, c’est pratiquement toujours une question de savoir-faire et de posture managériale qui se dessine. Toutefois, 6 hiatus méritent d’être évoqués.

Hiatus #1 : la transformation digitale n’est pas une fin en soi. Dans ‘transformation digitale’, le mot essentiel est ‘transformation’, pas ‘digital’, qui reste un outil au service de la transformation et de l’incarnation de la vision de l’entreprise.

Hiatus 2 : cet ‘’outil’’ n’est pas suffisamment perçu comme un actif stratégique clé : dans l’idéal, de notre point de vue, le pilote d’une véritable transformation digitale devrait non seulement siéger au comité de direction, mais également être un stratège, sorte d’hybride de super DRH et de directeur de la stratégie 4.0. Et pour que cette transformation soit intimement connectée à la stratégie et à la vision de l’entreprise, rien de tel que le management pour montrer l’exemple. 79% des Français attendent du dirigeant qu’il montre son engagement à faire progresser la société en prenant part aux conversations sur le web. Stéphane Pallez, CEO de La Française des Jeux, ou Nicolas Sekkaki, CEO d’IBM France sont des dirigeant(e)s très actifs/ves sur les réseaux sociaux, ils montrent l’exemple aux salariés sur la manière de s’exprimer.

Hiatus #3 : le défi de la transformation digitale n’est plus dans la technique, il est désormais dans les usages : outil d’aide à la décision, outil de prospective, ou encore expression d’un Manifesto qui engage votre entreprise dans ses comportements digitaux au quotidien [à l’égard des 2 ‘clients’ que sont vos collaborateurs puis vos consommateurs], le digital pointe le doigt sur les failles des expériences managériales proposées actuellement [insuffisamment d’agilité, d’anticipation ou d’engagements concrets].

Hiatus #4 : contrairement à ce qui a été beaucoup dit, la transformation digitale et ses hydres [Big Data, I.A et autres chatbots…] n’ont pas vocation à nous diminuer. Au contraire, nous tous, collaborateur, client, société de service, médecin, artiste… devrions en sortir ‘’augmentés’’. Pas au sens artificiel du terme, mais en termes d’I.E. [intelligence émotionnelle]. Nos Observatoires ‘’Expérience Client Augmenté’’ ou ‘’Brand’Gagement démontrent au travers de cas concrets et multi-sectoriels que les entreprises -qu’elles soient pure players ou phygitales- ayant appliqué cette digitalisation positive ont réussi à mieux fidéliser grâce à un fort engagement émotionnel, allant au-delà du contrat de base qu’est la satisfaction. Enfin, grâce à cette transformation par le digital, les salariés développent leur soft skills dont la curiosité, l’empathie, le sens du collectif, la capacité à formuler une idée ou à effectuer une veille.

Hiatus #5 : la transparence à tous les étages des interactions entre entreprises ou consommateurs que va déclencher la transformation digitale va amplifier la Tolérance Zéro. Autrement dit, plus nous aurons accès quasi-instantanément à des informations, plus nous serons sollicités, plus nous aurons la capacité à réagir, voire sur-réagir à ce bombardement de datas plus ou moins filtrées. Comme le dit Antoine Denoix (AXA): ‘Il n’y a pas de mauvaises données, mais une foule de mauvaises interprétations…’’. Opportunité : créer alors un poste de Facts interpretator, rémunéré pour prendre le temps et le recul essentiels avant le passage à l‘action.

Hiatus #6 : le Zéro Solo. A l’avenir, si la transformation digitale accélère tout, il sera de plus en plus complexe et coûteux d’innover seul. Exemple concret avec le projet SingularityNet -combinaison de blockchain,  d’I.A… et d’une vision libertaire du Net- sorte de place de marché ouverte aux développeurs pour favoriser le déploiement d’une intelligence artificielle généraliste. Mobiliser l’intelligence collective et mutualiser les connaissances [vous reporter à ce sujet à notre ouvrage ‘’Imagin’Nation : l’Innovation à l’ère des Réseaux Sociaux’’ (Edit Kawa) sera à l’avenir une garantie de succès des stratégies opérationnelles des entreprises… Si et seulement si une transformation culturelle adéquate est définie au préalable. Co-branding, co-construction, co-investissement… seront impératifs et justifieront la création d’un poste de Chief Partnership Officer.

L’économie numérique remet en question de nombreux business models, questionnant alors la création de valeur ajoutée. Les auteurs ne sauraient trop insister sur l’importance également de ce que nous avons appelé la ‘’chaleur ajoutée’’. La technologie est d’abord ce que les hommes en font. Si, demain, cette transformation digitale fantasmée entraîne le Zéro émotion ou le Zéro empathie, l’humain sera-t-il gagnant ? Et ne faudra-t-il pas faire évoluer l’organisation des entreprises afin en particulier de favoriser l’émergence de profils différents ? L’Observatoire Tilt ideas sur ‘’La Transformation Digitale et Impacts sur les Métiers de Demain’’ pourrait servir de point de départ à ce type de réflexion…